I haven’t told my garden yet

I haven’t told my garden yet—
Lest that should conquer me.
I haven’t quite the strength now
To break it to the Bee —

I haven’t told my garden yet – Emily Dickinson in Poems: Second Series, 1891

L’ abandon à venir du jardin de mon grand-père avec la disparition du jardinier fait écho avec le poème d’Emily Dickinson, évoquant le jour où le jardinier ne se présentera pas au rendez-vous habituel. Lorsque ce jardin ne sera plus entretenu, il deviendra une friche, la nature deviendra l’unique force en présence, le dialogue entre l’homme et le paysage exprimé dans le jardin s’interrompra. Le corps du jardinier fait lui aussi l’épreuve du temps, il ne peut plus consacrer le même temps aux tâches du jardin à tailler, creuser, brûler les mauvaises herbes. Le jardin c’est lui. L’étude du jardin de mon grand-père me permet d’approfondir cet environnement vivant et sa transition avec le médium numérique.

Les Sims est un jeu “bac à sable”, c’est un genre de jeu vidéo dont le gameplay non linéaire permet de modifier le contenu du jeu. Ainsi, Les Sims possède de nombreux paramètres que l’on peut moduler sur le rythme du jeu : il y a un cycle en fonction du soleil et de la lune et la météo est également présente. Les plantes ont également leur propre cycle en fonction de l’espèce plantée et du niveau du jardinier. On retrouve la plupart des actions primaires du jardinier, comme arroser, enlever les mauvaises herbes, gérer les colonisateurs. Ces capacités évoluent et permettent aux personnages de perfectionner leur aptitudes, ainsi le sims peut réaliser des boutures de plantes, créer de nouvelles espèces. Ce qui m’intéresse dans cette pratique du jardin à l’intérieur du jeu vidéo est l’autonomie de ces plantes. J’ai donc entrepris de représenter le jardin de mon grand-père en suivant les plans et les archives vidéos en ma possession.

Il s’agirait d’élaborer une temporalité du paysage dans ce jardin numérique. De faire trace dans cet environnement virtuel en collectant son évolution par des captures vidéo mais aussi en utilisant les aspects inhérents du jeu. En outre, il est possible d’acheter un appareil photo : des appareils argentiques ou numériques sont disponibles à l’achat et leur usage évoluent en fonction des capacités des personnages. Par l’intermédiaire du jeu, je peux confectionner de nouvelles archives.

Nous avons un magnétoscope à la maison. Un magnétoscope, « du grec skopeîn, « observer » est un appareil d’enregistrement et de lecture d’images linéaires sur un film magnétique et qui offre les mêmes facilités d’utilisation que le magnétophone : enregistrement, effacement, restitution d’images en noir et blanc ou en couleurs. » Le dictionnaire CNRTL ne précise pas que les images s’étiolent avec le temps et qu’elles peuvent disparaître d’elles-mêmes.

Ces images qui ont tendance à disparaître sont celles du jardin dans lequel j’ai grandi, une représentation du paysage qui a évolué jusqu’à aujourd’hui. Structuré au fil du temps, le jardin m’intéresse dans la perception et la construction de l’espace qu’il génère. Je cherche à établir un parallèle entre la manière dont le paysage était perçu dans le passé et la manière dont l’espace est désormais appréhendé dans le contexte numérique.

Les deux espaces que sont le jardin de mon grand-père et sa reproduction numérique peuvent-ils cohabiter  ?

Cet espace où se mêlent à la fois des éléments réels et des éléments numériques devient cette extension dans le monde virtuel que je modèle. Une zone où l’on interagit, explore et définit des relations à travers des interfaces, des cartes, des représentations visuelles.

Le paysage des SIMS est dynamique, interactif et en constante évolution. Ce processus de conception d’espaces (maisons, jardins, quartiers) fait directement écho au concept de paysage numérique, car les joueurs construisent des environnements à partir de rien, ou modifient des espaces préexistants. Tout comme dans un paysage réel, où l’humain intervient pour organiser l’espace (par exemple, l’aménagement d’un jardin ou la construction d’une ville), dans Les Sims, les joueurs façonnent un paysage virtuel, selon leurs désirs, à travers des actions interactives. Un autre aspect du paysage numérique dans Les Sims est l’absence de limites physiques. Le jeu offre une fluidité dans la manière dont les espaces peuvent être redéfinis et modifiés. Contrairement à un paysage physique, où l’on doit respecter des contraintes matérielles (taille d’un terrain, règles d’urbanisme, etc.), dans Les Sims, il n’y a pas de telles restrictions. Le paysage numérique est un espace en constante évolution : les environnements peuvent changer au fil du temps en fonction des actions des joueurs, mais aussi en fonction des extensions ou des mises à jour proposées par les développeurs du jeu. 

    Laisser un commentaire