Penser en hyperliens

Cet article regroupe trois expressions de mon processus de recherche pour mon projet de master ArTeC au cours de l’automne 2021. C’est une documentation de ces « tentatives », qui témoigne chacune de différentes manières d’aborder mon sujet de recherche, mais aussi de questionner ce qu’est pour moi faire recherche ou même « recherche-création ». Ces expérimentations ont été des opportunités pour moi d’explorer l’intérêt de formes alternatives à l’écriture pour développer ma pensée, me rapprochant de formes moins linéaires, empruntant plus aux logiques de manipulation permises par des outils informatiques de montage et aux structures de l’internet. Dans les trois sections qui suivent, je donne un lien vers chaque proposition, désormais hébergée sur mon site internet personnel, et je la complète par le texte qui l’a accompagné initialement.

— image d’ouverture : montage audio/visuel sur le logiciel REAPER, janvier 2022.

Generative and ambiguous

Capture d’écran vidéo, 6 octobre, 2021 : ici.

J’ai écrit :

Depuis que j’ai rendu mon mémoire de première année de master, en juin, j’ai beaucoup réfléchi à mon projet de recherche, mais je m’y suis peu engagé de manière directe, ayant été préoccupé par un autre projet de « recherche-création ». En pensant à la notion de « processus », j’aperçois des liens entre ce projet qui s’achève et mon projet d’expérimentation ArTeC, qui me semblent indiquer des directions à suivre pour relancer mon travail cette année. J’ai donc enregistré une déambulation au sein de mes disques durs pour tenter de les expliciter.

A is for Alcohol

Montage sonore, 3 novembre, 2021 : ici.

J’ai écrit :

Je propose une tentative d’application à la thématique de l’inclusion du processus de travail développé pour un projet de création sonore récemment complété, Abolition A-Z. Il s’agit d’une introduction à la pièce hypothétique sous forme d’abécédaire, Inclusion A-Z, et de sa première section, « A is for Alcohol », issue de liens que j’ai commencé à explorer entre substances, addictions et exclusion, suite à ma décision d’arrêter de consommer de l’alcool cet été.

La création sonore est en anglais, la langue dans laquelle je suis le plus à l’aise et la langue de la majorité de textes et de documents audio-visuels que je parcours. Sous la pièce sonore se trouve la transcription des textes en anglais avec leur traduction en français, que j’ai réalisée moi-même.

Pour quoi faire de la recherche ? 

Collection interactive de captures d’écran photo, 7 décembre, 2021 : ici.

J’ai écrit :

Depuis quelques semaines, je me dis que c’est le moment de me mettre à écrire, mais je n’y arrive pas. Je suis toujours bloqué dans l’écriture, je l’ai toujours été. Ce n’est pas autant une souffrance que ça l’a été pendant une grande partie de ma vie, mais c’est une activité que je continue à trouver épuisante et qui demande la mise en place de conditions très particulières pour que je puisse me concentrer dessus. Je pense que, cette année, j’ai réussi à me concentrer sur l’écriture pendant seulement deux périodes de quelques jours chacune. Je me demande pourquoi je suis en train d’essayer de faire de la recherche, une pratique qui dépend tellement d’une activité qui me pose autant de difficultés. Mais c’est précisément cette question sur laquelle j’ai essayé d’écrire jusqu’à présent : « Pourquoi faire de la recherche ? ». Ce n’est pas que je n’ai pas de réponse, mais je n’arrive pas à structurer mes idées de manière linéaire. Chaque fois que j’écris des paragraphes qui s’enchainent, j’ai l’impression de voir une accumulation de mots qui s’éloignent de ce que je cherche à dire, de ce que je veux communiquer. Mais mes expériences passées m’ont fait comprendre l’utilité de l’écriture, le fait que ce processus exténuant est nécessaire pour que j’arrive à articuler mes idées, pour passer d’accumulations d’intuitions, d’informations et de fragments de pensée à des constructions qui permettent de confronter ces éléments entre eux et d’arriver à des propositions qui peuvent contribuer à un échange plus large.

 

Je cherche des manières de tromper mon cerveau pour me faire entrer en écriture, en me tournant vers une activité qui est relativement sans douleur pour moi : le montage. Au cours de ce semestre, j’ai profité du Carnet en ligne pour explorer en quoi différentes approches du montage pourraient me servir de méthodes de recherche, premièrement avec une capture d’écran vidéo de documents en lien avec mon projet, et ensuite avec un montage d’archives audio autour de la notion d’inclusion. Lors du premier rendu, j’avais déjà évoqué mon intention d’explorer comment le montage pourrait me servir pour explorer des contenus textuels et les mettre en dialogue sur un écran. Pour ce troisième rendu du Carnet en ligne, ce que je propose se rapproche plus du collage visuel (et numérique), en utilisant l’outil Hotglue1 pour rapidement rassembler images, textes et hyperliens sur une page web. Ni l’approche ni l’outil ne sont particulièrement sophistiqués, mais je trouve intéressant que de tels dispositifs simples me permettent d’avancer dans mes questionnements et de dépasser des obstacles. Peut-être c’est quelque part lié à l’idée de « recherche-création » (je rassemble quelques idées sur ça dans le collage).

 

Comme évoqué plus haut, je cherche à clarifier pourquoi je fais de la recherche, une question posée dans la première section du Guide décolonisé et pluriversel de formation à la recherche en sciences sociales et humaines2 qui m’est resté figée dans l’esprit. En regardant l’évolution de ce projet depuis son initiation il y a bientôt un an et demi, j’oscille entre l’impression de continuellement repartir à zéro et celle d’avancer, mais dans des directions inattendues. Cette manière d’évoluer rend clair que je ne peux pas savoir à quoi ce projet va aboutir, et par conséquent je trouve difficile de spécifier son intérêt, de dire simplement pourquoi je l’entreprends. Cependant, j’essaie de m’accrocher à une certitude dans cette ambiance d’incertitude : le fait que ma manière de penser ou d’articuler les questions qui me préoccupent a radicalement changé depuis l’initiation du projet, pendant que ma conviction sur leur importance reste constante. Peut-être que c’est là où se trouvent les raisons de faire ce projet, ou encore le projet de recherche lui-même. Dans un cours que je suis ce semestre, « Écrire l’entraide », l’équipe enseignante (Louis Staritzky, Martine Bodineau, Pascal Nicolas-Le Strat) a évoqué comment la recherche en sciences sociales peut créer des « sites de problématisation », où « faire recherche fait émerger la question »3. Peut-être que mon travail ici consiste non pas à trouver des réponses, mais à clarifier pourquoi il me semble vital de nous poser certaines questions.


  1. https://hotglue.org/
  2. Piron F., Arsenault É. (éd.). Guide décolonisé et pluriversel de formation à la recherche en sciences sociales et humaines [En ligne]. [s.l.] : Québec : Éditions science et bien commun, 2021. Disponible sur : < https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/projetthese/ > (consulté le 9 novembre 2021)
  3. Citation extraite de mes notes personnelles du cours du 7 octobre, 2021.