DANSÉASTE : UN MANUEL DE PRATIQUE

Voici une lecture expérientielle de la première leçon danséaste. Pour pratiquer, vous aurez besoin de vous accorder quelques heures pour vous. Aucun prérequis n’est demandé, munissez-vous seulement de votre curiosité et d’une caméra. Bienvenue dans ce processus pour savourer une attention différente à votre mouvement s’inscrivant dans le mouvement du monde.

LEÇON 1 – SÉQUENCE DU MONDE

Je propose dans mon projet de recherche et création d’élargir le potentiel artistique et social de l’industrie du cinéma. En tant que réalisatrice de films, je conçois une recherche réflexive et créative basée sur un engagement individuel à pratiquer la danse et les savoirs somatiques dans mon processus créatif. Mon projet consiste à concevoir et transmettre une méthode spéculative que j’appelle “danséaste”, pratique corporelle applicable dans le processus de création d’un film dans le but de pratiquer une expérience augmentée du cinéma, qu’elle soit corporelle, écologique ou sensible. Danséaste est une pratique dite “somatique”, c’est-à-dire qu’elle demande une attention perceptive unique à soi, dans un boucle sensori-motrice vécue à la première personne. Activer cette qualité somatique traversée à l’intérieur de la création du film sera vecteur, je l’espère, d’émancipation personnelle, collective et aussi artistique depuis la conception du scénario à la création de l’œuvre filmique finale et enfin jusqu’à sa réception auprès du public.

En tant que danséaste je m’intéresse aux mouvements des corps qui s’inscrivent dans le mouvement du monde, reçu par le mouvement de mon corps qui filme. Je propose ici une invitation expérientielle à mes lectrices et lecteurs sous forme d’une leçon à réaliser pour soi, n’importe où avec une caméra ou un téléphone portable. Aucun prérequis n’est demandé, seule la curiosité est nécessaire pour démarrer l’expérience. Je propose ainsi de vous transmettre la première leçon du manuel, afin de vous donner des outils pour réaliser un parcours unique de votre mouvement.


Le protocole
Voici la première leçon présentant les bases empiriques que j'ai expérimentées en trois activités. Je recommande de bien lire les consignes, elles sont là pour vous aider et vous guider dans ce mouvement. Les consignes sont accompagnées d'une conduite, sentez-vous libre de la suivre ou pas. Elle permet d'orienter des suggestions d'attention. Pour finir j'ai moi-même réalisé cette pratique et vous la transmets après ma proposition de pratique.

ACTIVITÉ 1 – OBSERVATION DE 30 CM2 DE GAZON

« Consigne : observer à deux reprises, à plus d’une journée d’intervalle, 30 cm² de gazon que vous aurez sélectionné. À chacune de vos observations, procéder comme suit : 20 minutes d’observation ; 20 minutes de repos (faire ou penser à autre chose) ; 20 minutes d’observation (respecter scrupuleusement les temps d’observation et de repos). Écrire une synthèse de vos différentes expériences d’observation.»

Cette activité d’observation de 30 cm2 de gazon a été proposée par la professeure Nicole Harbonnier dans le cadre du cours DAN8030 Théorie et observation du mouvement que j’ai suivi lors de ma mobilité d’études à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) à l’automne 2022. L’observation de 30 cm² de gazon est inspiré d’une activité vécue par Geneviève Dussault (co-conceptrice du cours DAN8030), lors de sa formation en Laban Movement Analysis (LMA) en 1996. Je la partage ici comme point de départ de cette proposition expérientielle. 

Conduite phénoménologique : avoir une expérience immersive de cette observation.

Que se passe-t-il quand on regarde ? Qu’est-ce qui vous attire ? Qu’est-ce qui dépend de votre subjectivité, de votre état de corps ? Comment et pourquoi êtes-vous distrait ? Comment vous laissez-vous bouger par cette observation ? Comment l’observation se transforme à l’intérieur et à l’extérieur de vous ? Comment comprendre que notre perception donne du sens à ce que l’on observe ? 

ACTIVITÉ 2 – PLAN SÉQUENCE

Consigne : retournez à l’endroit de l’observation des 30cm2 de gazon muni d’une caméra. Tourner un plan séquence de manière créative en proposant un regard réflexif sur votre activité d'observation. Prenez le temps de concevoir votre cinécriture, néologisme inventé par Agnès Varda (1928-2019), une cinéaste française. Vincent Pinel dans le dictionnaire technique du cinéma (2016) définit ce mot comme « l'écriture spécifique d'un film à l'aide de la caméra (...). Les découpages, les mouvements, les points de vue, le rythme du tournage et du montage ont été sentis et pensés comme les choix d'un écrivain ». Convoquez une dynamique du tournage, pour trouvez votre style d'écriture cinématographique.

Conduite interprétative : créer une dynamique du mouvement de la perception.

Comment faire une synthèse visuelle/corporelle de l’expérience que vous avez traversé depuis la leçon 1 ? Que vient changer/ bouleverser la présence de la caméra ? Son poids et son œil mécanique d’enregistrement ? Pensez au choix du cadre : est-ce le carré de gazon ou bien à côté du gazon ? Est-ce une trajectoire, une narration qui se dessine avec votre mouvement de la caméra ? Le mouvement de caméra apporte du sens, comment le rendre visible dans ce paysage ?

ACTIVITÉ 3 – ANALYSE DU MOUVEMENT

Consigne : analysez votre film. Le mouvement de votre caméra, l'intention et le choix du cadre ; la trajectoire de votre regard ou de votre corps dans le plan. Avoir conscience du hors champ. Focaliser et analyser ce qui vous plaît, vous parle, vous transporte vers le récit de votre histoire.

Conduite analytique : analyser un corps dans l’action globale de percevoir, construire du sens sur votre archive.

Dans quel choix de cadre, de séquence d’action vous êtes-vous engagés ? Comment avez-vous joué avec les paramètres des deux premières consignes ? Quelle narration ressort de cette séquence ? Quelle est l’histoire affectivo-motrice de votre mouvement de caméra ?


Ma mise en pratique de cette première leçon est disponible dans les fichiers qui suivent,  le lien de ma vidéo, ainsi que mon écrit. 

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