Chez moi

Je présente ici un projet d’expérience de jeu créé avec Unreal. Il est développé en fonction des scènes de mon appartement réel et de ma vie quotidienne. Le projet vise à fusionner ma réalité avec un monde virtuel. À ce stade de développement, j’ai l’intention d’utiliser les techniques de photogrammétrie pour scanner des environnements réels. Les environnements réels numérisés serviront de toile de fond à l’œuvre, fusionnant des maisons tangibles avec des pixels numériques intangibles, incarnant la coexistence de la réalité et de l’espace virtuel.

L’œuvre se déploie du point de vue d’un joueur à la première personne. J’ai choisi de ne pas créer de personnage car, dans ce projet, les joueurs ne sont pas simplement des observateurs mais des participants actifs. L’expérience initiale présente ma maison privée – l’endroit où je me réveille le matin et le dernier endroit que je vois avant de m’endormir le soir. C’est ma vie, ma réalité, et j’ai décidé de créer une version “virtuelle” de celle-ci comme point de départ et de fin du jeu. En explorant divers objets de ma maison virtuelle, les joueurs s’immergent dans un environnement qui reflète et étend ma réalité. L’espace soigneusement conçu capture des traces de ma vie, de la lumière du matin à travers les fenêtres aux sons subtils de la vie quotidienne, laissant des empreintes qui rendent l’absence bruyante. C’est pourquoi j’ai choisi de créer un avatar pour l’espace plutôt qu’un avatar personnel. Pour progresser, les joueurs doivent trouver et suivre des indices, comme prendre un livre placé sur une étagère, tel que “Amusing Ourselves to Death”. Cette action déverrouille une porte précédemment verrouillée, leur permettant de quitter l’espace et d’entrer dans la “boîte” à l’extérieur (correspondant au contenu du livre). Ils découvrent que l’appartement est suspendu dans un espace infini, avec seulement un metro à l’entrée. Après être entré dans le métro, le joueur se déplace dans les airs vers une autre scène de mes souvenirs. Cette entrelacement de fragments de mémoire réelle et virtuelle crée une expérience onirique, remettant en question la temporalité inhérente de l’expérience de jeu.

En moyenne, 34 jeux sont publiés sur Steam chaque jour, soit l’équivalent de 1,4 jeu par heure. En tant que personne cherchant à se libérer de l’industrie du jeu, je vise à créer une “œuvre d’art” en utilisant ce médium. Matthieu Triclot, dans “Philosophie du jeu vidéo”, définit les jeux vidéo comme relevant “d’une certaine forme d’expérience instrumentée, qui se nourrit de l’ordinateur, de l’écran et de toute une gamme de périphériques pour se mettre en marche. Debout face à la borne d’arcade, assis face à la machine de bureau ou encore affalé sur le canapé manette en main, jouer n’est jamais autre chose que profiter de ces dispositifs pour engendrer de l’expérience, pour se mettre dans un certain état.” Bien que les jeux vidéo ne soient généralement pas considérés comme de “l’art” en raison de leur “fonction” de divertissement, je pense que l’utilisation de ce médium pour une œuvre “artistique” ne devrait pas être motivée par un profit commercial ou des objectifs purement divertissants.

Dans mon œuvre, les joueurs ne peuvent pas sortir une fois que le jeu est lancé, ce qui met en avant l’importance de faire les choix “corrects” pour le quitter et revenir à leur “réalité”. L’autonomie narrative et la libre volonté des joueurs dans la création du jeu sont renforcées en leur confiant des décisions clés. Dans la dernière couche de souvenirs, les joueurs rencontrent la coiffeuse de ma grand-mère, l’un de mes premiers souvenirs. Sur la table se trouvent deux pilules, faisant référence aux règles du film “Matrix” : la bleue ramènera les joueurs au début du jeu, à “ma maison”, et la rouge fermera et quittera le jeu. Les joueurs doivent activement “choisir” de quitter le jeu pour revenir à leur “réalité”. Cela brouille la frontière entre les souvenirs réels et leurs équivalents numériques, naviguant entre réalité et numérique, incitant à explorer comment les joueurs s’intègrent dans le paysage virtuel et dans le domaine numérique.

(Cette œuvre est toujours en cours, et je travaille actuellement à compléter la phase de prise de décision après avoir lu “Philosophie du jeu vidéo” de Matthieu Triclot.)

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